jeudi 24 novembre 2011

La Grande Aventure de Tango2Alpha…

Je connais Tango2Alpha depuis bien 7 ans maintenant... C’est un très bon ami de l’une mes très bonnes amies. Raison pour laquelle nous nous croisions assez régulièrement, avec plaisir et intérêt à la discussion, à l’occasion de toutes sortes de fêtes : anniversaires, crémaillères, mariages, premiers barbecues de l’été, etc..

La première fois que je l’ai rencontré, je savais par notre amie commune que Tango2Alpha, un homme de même pas 40 ans, souffrait d’un cancer. Mais nous n’en parlions pas. Ni avec lui, ni avec sa compagne. S’il était là, présent, c’était d’abord et surement pour se changer les idées…
Aux dernières nouvelles (jour de l’an 2010) on m'avait juste assurée qu’il était depuis un bon moment en meilleure voie, en rémission.

Tout récemment, quand Tango2Alpha (un passionné d’aéronautique vous l’aurez deviné), a su que j’étais à mon tour atteinte d’un cancer, il s’est fendu d’un long et très beau mail pour m’encourager, me soutenir, me partager son « Aventure » comme il l'appelle. 
Pour moi, c'était très inattendu ! Les hommes sont souvent si pudiques, si silencieux, sur ce qui les touchent profondément. 
J’ai trouvé son témoignage fort, poignant.
Je lui ai alors demandé si je pouvais le faire partager à d’autres. Il a dit : « Oui ». Il m’a même, dans l’esprit du blog, adressée deux trois de ses photos.

Voici donc « La Grande Aventure de Tango2Alpha », racontée et illustrée par Tango2Alpha, vaillant pilote de l’air…

Bonne lecture,
CC



Tango2Alpha

Très chère CC,

Quelques lignes, de la lettre A à la lettre Y.  Quand j’étais en eaux profondes. J’espère qu’elles te donneront encore un peu plus de force. Le traitement est un passage obligé mais cela vaut la peine.
Parole!


A comme Aventure :
30 mars 2007 : Ainsi me voilà face au début d’une nouvelle aventure. J’ai fini par l’appeler comme cela. Une aventure.

B comme Bordel :
Putain c’est le Bordel dans ma tête. Pendant que mes cellules subissent une destruction massive, tous mes vieux démons personnels, emprisonnés au fur et à mesure de ma vie passée, ressortent, libres, comme des détenus d’une prison soudain sans gardiens ni clés. Je décide de les laisser en paix. Ils sont trop forts pour l’instant. Je reste concentré sur l’essentiel, dehors, les autres, l’extérieur, la lumière, l’instant et un futur où je reprendrais le dessus. C’est dur.

C comme Chimio :
La chimio est un poison haut dose dont le rôle est de détruire des cellules. Aujourd’hui ce poison arrive à cibler plus de mauvaises que de bonnes. Néanmoins ces bombes chimiques font des dommages collatéraux et mon corps, dans un magnifique, héroïque effort de défense va se bagarrer tout seul, sans Moi, et remplacer les cellules mortes au champ d’honneur par des nouvelles. Je lui pardonne si après les premières batailles, il est extrêmement fatigué. Et des batailles, il y en aura d’autres avant la victoire.

D comme Docteurs :
Ils savent ce qu’ils font. On est obligé de leur faire confiance. J’ai noté tous les effets indésirables pour leur en parler. Si cela ne les inquiète pas, ça ne m’inquiète pas, c’est transitoire. On dit que les cheveux repoussent, plus beaux même. Mon corps est une formidable machine de guerre qui veut que tout revienne comme avant. C’est exactement ce qu’il va faire. Il faut lui laisser le temps.

D comme Dépression :
Liée à la fatigue du traitement et la chimio, les démons et la dépression s’installent. Mais j’ai viré mon psy qu’on m’a attaché et jeté les anti-D qu’il me prescrivait. Ces trucs me défoncent trop, je devenais un zombi. Un bien meilleur traitement : Dormir et sortir.

D comme Diabétique :
Deux mois de corticoïdes haute dose m’on rendu diabétique. Encore un truc à gérer. Heureusement, réversibilité totale peu après l’arrêt.
  
E comme Effets secondaires :
Je ne vais pas faire la liste : Ils sont multiples, désagréables, parfois chia…. Mais ils ne sont pas douloureux. Je n’ai pas mal.  Puis il y a toute une panoplie de médoc pour en atténuer voir supprimer ces putains d’effets. Je vais demander une carte de fidélité à mon pharmacien. La 1ere fois, je lui ai laissé 1000€ de médoc. Merci les 100%.

E comme Embolie :
Le traitement et l’alitement m’ont déclenché une embolie pulmonaire. Une semaine dans ce lit sans pouvoir me lever. Je n’arrive plus à dormir. Une nuit, bravant les médecins, je me lève pour aller pisser. L’infirmière me surprend et menace de m’attacher. MERDE.

F comme Fatigue :
Suis crevé. La fatigue est normale. Elle finira bien par disparaitre…pour revenir, jusqu’à la fin du traitement. L’accepter, pas le choix, et récupérer, indispensable pour tenir physiquement et mentalement.

G comme Guérison :
Je vais guérir. Je suis encore jeune, fort. J’ai toutes les chances de faire partie des gens qui s’en sortent. Je n’ai rien à faire sinon vivre le plus positivement possible cette période.

G comme Globules aussi : Pendant le traitement, les blancs me manquent : Eviter les gens malades ! Pas la peine d’en rajouter. Les rouges me manquent. Je vais me faire transfuser en urgence plusieurs fois. Dont une fois en moto. M’emmerdez pas je fais ce que je veux.

H  comme Hôpital :
J’ai passé 200 jours en chambre stérile, attaché au mur par mon cathéter. J’ai cru que j’allais devenir fou.
Je ne veux pas y retourner. Hélas…J’en prends pour 3 ans de traitements. Fuck.

I comme Infirmières :
Elles sont compétentes, super gentilles, dévouées. Elles ont leur vie aussi mais je ne les remercierai jamais assez de leur vocation. J’ai envie de leur rendre ce qu’elles me donnent.

J comme Joie :
J’ai un cancer mais je ne suis pas un cancer. Je profite de chaque occasion pour me barrer loin. Le rire, il me manque ! Suis-je condamné à ne plus rire ?

K comme kilo :
J’ai perdu 15 kilos. Bonne occasion pour refaire ma garde-robe. Et se faire plaisir avec des bons petits repas. (J’ai une de ces dalles, avec la cortisone, moi).

L comme Lit :
J’aime mon lit. C’est un de mes alliés les plus précieux : Dormir…Quelque heures de paix intérieure laissant le corps tout entier à la régénération.

L comme long :
Je viens de voir le protocole après 4 mois de traitements : Je comprends à sa lecture que j’en prends pour 3 ans. Je suis effondré. Je ne m’en remettrais pas durant tout le traitement.

M comme Marre :
J’en ai marre, vraiment marre.
Allez c’est la preuve que je veux guérir et que je ne lâcherai pas. M aussi comme Mental : 50% de la guérison c’est le mental. Allez. Allez. Allez. Droit dans les yeux, Lymphome je vais t’atomiser !

M comme Musique aussi :
Musicothérapie ! Des airs entrainants hein !

N comme NON.
Je ne suis pas malade. C’est de la connerie tout ca. Ils se sont trompés. Ce n’est pas possible.

O comme OUI.
Je suis en train de l’avoir. Le dernier scan montre 75% de tumeur en moins. C’est énorme. En 25 jours. Lymphome je te massacre.

P comme Physique
J’ai le cœur à 120 continuellement. Même allongé. Il fait le plus long marathon du monde. Faut que tu tiennes, mon cœur.

Q comme Q
Cela ne veut rien dire et ce n’est pas grave. J’ai tous les droits non ?

R comme Rémission :
Passage obligé vers la guérison : La rémission. En mars 2012, 5 ans après le diagnostic, je me considèrerai comme guéri.

S comme sortir
Je veux sortir de l’hôpital. Je veux sortir de Paris. M’en aller, loin. Et quitter ce cauchemar.

T comme travaille
Le plus possible, dès que je peux. Rester actif et ne pas déprimer tout seul à la maison. Ne pas lâcher prise. Tenir. Même si c’est dur. Faut que je m’occupe la tête. Je n’en peux plus.

U comme utile
Cette épreuve me rendra plus fort. Il faut qu’elle me rende plus fort.

V comme Victoire
Rien. Il ne reste plus rien.

W comme Double Victoire
J’ai repris confiance en moi. J’ai le mental de Stallone dans Rocky 3. Je refais du jogging avec cette image en tête.

X-ray :
Irradiation du crâne en préventif. J’ai PEUR. Plus que la chimio. La tête, c’est Moi. Ce n’est plus mon corps qu’on attaque. C’est mon âme. Au secours. J’y chope un acouphène permanent qu’il faudra que je dompte.

Y comme ya t-il quelqu’un ?
Je passe et repasse mon répertoire téléphonique. Non, je n’ai vraiment personne à appeler. Tout le monde vit sa vie, et la mienne ne fait plus partie de la leur depuis bien longtemps maintenant. Il faut que je revienne. Je reviens.

Z. est la dernière lettre mais je n’utiliserai pas.

PS :

Il manque un M.
M comme mystère : Pourquoi moi ? Comment moi ?

Il manque un K comme Khaled, l’interne Syrien, le seul que j’autorisais à me faire les ponctions lombaires. Les autres me rataient. Retourné en Syrie, j’espère qu’il va bien.

Il manque un T.
Comme tour Eiffel, que je voyais de ma fenêtre de l’IGR, et qui veillait sur moi la nuit avec son phare.


mon phare à moi...

Il manque un A comme Andréa. Elle m’a accompagné pendant tout ce temps invivable. Comment a-t-elle fait pour tenir, elle ?

Et plein d’autres lettres qu’il faudra faire vivre autrement.

Epilogue : Je vole à nouveau. J’emmène Andréa à Belle Ile, le lendemain d’avoir récupéré ma licence et un certificat médical sans restriction. Le 27 octobre 2009.


atterrissage à Belle-Ile en Mer...

 Il faut bousculer la chance. Soigne toi bien

Tango2Alpha



8 commentaires:

  1. Quelles lettres ! Quelle lettre !

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  2. CC, je lis tes paroles depuis ton premier mot, avec admiration, avec joie, avec douleur.
    Et je reste là, ému, sans savoir quoi dire.
    Une seule pensée me vient, à chaque fois, persistente, insistente même.
    Une pensée simple, toute bête.
    Alors la voilà :
    Il y a toujours, quelque part, un soleil qui brille.
    Malgré les nuages, malgré la tempête, et même si on ne le voit pas,
    Il y a toujours, quelque part, un soleil qui brille.
    Alors garde un œil sur l'horizon.
    Il y a du monde avec toi pour garder le cap.

    RR

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  3. De ces lettres qui font de très jolis mots pour de belles émotions...

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  4. Tu vois, il y a une chose inouïe qui se passe. De tout ce malheur surgissent les plus belles fleurs, comme nées d'un terreau puissant, poussées au jour par la force d'un événement qui met à nu et dévoile les mystérieuses ressources et les trésors que chacun possède, protège et préserve, cultive dans le secret : les plus beaux élans, les sentiments les plus intenses, les talents aussi timides qu'immenses. Il s'en dit plus, il s'en fait plus, la pudeur lâche devant l'urgence.
    Ce sont les fruits de l'Arbre de notre plus belle part d'Humanité. Cueille. Récolte. Croque. Nourris t'en et qu'ils te rendent plus forte !

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  5. Bah moi j'voyais aussi B comme Bogoss ! Et puis Z comme Zoro bien sûr !
    Des bibises.Marielou.

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  6. super ton copain pilote, son témoignage est la plus belle récompense qu'il a pu te témoigner!!, il est magnifique a coté de son avion, quelle aventure ! que de courage quand le mal là...
    dormir quand on peut ce doit etre le principal
    Sortir , se changer les idées faire tout ce qu'on l'on a envie
    La lutte sera longue !!! comme ce tunnel auquel on ne voit pas la fin , mais au bout le ciel, la joie de VIVRE comme cette libellule que Franz t' a photographiee bisous a vous trois . de lulu et papy cloche

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  7. Magie des mots contre sournoiserie des cellules. Les mots seront les plus forts, c'est sûr, car ils incarnent la vie, l'élévation et le partage !
    Alors merci Caro pour ce blog qui nous guérit tous !

    Je t'envoie toute mon amitié.

    Jean-Marc B

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  8. Z...j'ai trouvé bien sur! Z comme ZONA (Zavais zappé zet épizode moyen drole en fait)
    Virus de la varicelle, maté en temps normal par le systeme immunitaire à l'age adulte. Encore faillait-il en avoir un, de systeme. Avec 150 de neutrophiles, le virus s'en donnait à coeur joie.

    Quand je suis allé le montrer à l'IGR, le toubib de l'hopital de jour m'a dit: "C'est contagieux, rentrez chez vous, j'ai des malades moi ici" (!?) (En me donnant c'est gentil un traitement de Zelitrex haute dose quand même).

    Mais éviter le Zona, c'est mieux. Ce truc fait un mal de chien (ça mord)

    T2A

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