mardi 26 juin 2012

NO DETRESSE !






Tout récemment, j’ai été invitée à participer à une « enquête » à la demande des équipes médicales de l’Institut Curie. 
Objectif ?  Connaître les difficultés psychologiques, affectives, physiques, financières,  rapports avec les médecins, compréhension des traitements, etc…, auxquelles se heurtent les personnes atteintes d’un cancer du sein en fin de traitement, pendant les phases de surveillance et au-delà. 
But ? Améliorer  la qualité de vie des patientes.
Ma mission ? Répondre à toutes les questions posées dans le questionnaire (je dois dire qu’elles étaient assez nombreuses), cocher des cases, apporter des commentaires supplémentaires si nécessaire.

no détresse !

Parmi les questions posées, celle-ci : « quel est aujourd’hui votre sentiment de détresse sur une échelle de 1 à 10 ? »
Sur la feuille, il y a une sorte d’échelle, côtée de 1 à 10 (logique). A moi d’évaluer ma « détresse », de griffonner une croix là où je pense me situer.

En lisant cette page, je me suis souvenue que cette même question, avec le même graphisme, m’avait déjà été posée par une infirmière quelques jours après l’annonce de ma maladie.

Étrangement, j’ai eu exactement le même reflexe que la première fois, le même geste :  j’ai barré le mot « DETRESSE ». J’ai dit que n'éprouvais aucune détresse. Zéro détresse. No détresse. Même en cherchant, ce mot semblait n'avoir aucun écho en moi.

Pas de détresse non ! Et grâce à qui ? A mon chéri qui m'aime, à ma fille qui a encore besoin de sa maman, à ceux que j’aime (amis, famille) et qui tiennent (hé j'espère bien !) un peu, à moi. 
Grace aussi à ceux qui sont au Ciel. 
Oui je le crois, ce sont l’Amour et l’Amitié, (dicibles ou indicibles) les liens (visibles ou invisibles) qui m’ont évité ce sentiment terrible de détresse. Ce besoin de sortir les balises. Ce sentiment total d’abandon.

Mais n’allez pas croire. Je ne crie pas victoire ! Je n’ai pas échappé à tout. Pas à la tristesse, encore moins à la peur. 

Tout au long de ma traversée, j’ai éprouvé des chagrins terribles. Des chagrins puissance 1000, des chagrins ou toutes les larmes de votre corps coulent à flot. Des chagrins qui ressemblent à de gros nuages gris et denses, chargés de pluie. Mais des chagrins qui passent. Qui passent comme les nuages. Qui passent comme le gros temps. Alors vient l'accalmie, vient l'éclaircie, parfois même, arrive le très beau temps.
Ces chagrins sont très forts mais me rappellent que je suis vivante et sensible.

La peur c’est autre chose. La peur c’est pour plus tard. La peur c’est l’inconnue. La peur c’est pas forcement utile mais elle est là. Elle s’accroche en moi ou se planque pour mieux ressurgir. Elle me fait des noeuds partout : dans le ventre, dans le cou, dans le bas du dos…
La plupart du temps je n'ose pas en parler. Je suis gênée. Alors je reste toute seule avec elle. C'est bête.
La seule façon pour de m'en débarrasser, c’est de m'en faire une alliée.
Maintenant que j'ai compris cela j'ai un tout petit peu moins peur !

La question sur la DETRESSE n’est bien sur pas anodine. J’imagine que bien des « patientes » éprouvent ce sentiment. Soit parce qu’elles sont seules dans leur vie, leur maison… Soit parce que leur frigo est vide (plus beaucoup d’argent pour faire les courses), soit parce qu’elles souffrent physiquement continuellement, soit parce qu’elles cumulent toutes les difficultés…

Quand je vous confiais l’autre soir que mes deux mots préférés étaient : « INTIMITE ET TENDRESSE », ça n’était pas pour rien.

C’est parce qu’il y a de la TENDRESSE dans ma vie. De la tendresse, du coton, de la soie … que je vais bien.

C’est parce que qu'il y a de l'Amour dans mon petit nid douillet, dans ma bulle, dans mon INTIMITE... que je vais bien.

Le sourire de ma fille, les bras de mon chéri.
Ma famille, mes amis.
Dieu que tout cela est bon et précieux.

Merci à ceux qui m’entourent
Merci à ceux qui sont au Ciel.

Aujourd’hui comme hier je vais bien. De mieux en mieux.
No détresse !

CC

1 commentaire:

  1. A toi qui m'a remerciée d'avoir été à tes côtés (parmi tant d'autres !) : ça a toujours été facile d'être là et de te donner de mes forces quand tu en avais besoin, ou juste te faire sourire et même rire les jours les plus bleus. Ca a toujours été facile parce justement tu n'as jamais été une victime. Tu as toujours été une battante. Abattue, parfois, mais jamais battue.
    On ne peut rien ou du moins pas grand chose pour une victime dans l'âme. On se bat avec un combattant, à ses côtés et, surtout, toujours par choix. On choisit de rejoindre ce combat, ou pas.
    Avec la victime, il faut se battre pour elle, à sa place et souvent vainement. La victime pompe les forces des autres et, parfois, tire même vers le bas, tel le noyé qui dans sa panique noie son sauveteur.
    Le combattant jette ses propres forces dans la lutte, donne envie d'y joindre les siennes, rassemble, livre bataille après bataille. Son élan nous entraine, nous galvanise. Sa victoire nous grandit, nous les petits soldats du coeur.
    Je ne sais pas quel camp serait le mien dans un tel cas. Comment savoir. Et comme tu le dis, cela dépend aussi de tant de choses essentielles : l'entourage, les moyens, le lieu, l'âge.... On ne décide pas forcément d'être victime ou combattant. On fait ce qu'on peut, comme on peut, avec ce que l'on a.
    Bref, d'ici ou de l'au-delà, on a tous un tout petit peu fait le Vietnam avec toi, mais pas à ta place. Il faut être sacrément forte pour clamer comme en étendard "NO DETRESSE !" Bravo Capitaine !

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